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Intelligence Auto n°61 – Juillet/Août 2023

L’instauration des ZFE a-t-elle eu une influence sur les achats automobiles des Français concernés ?

20/07/2023

Temps de lecture : 8 minutes
  1. L'édito

    Justice sociale, c’est l’argument qu’a brandi le ministre de la transition écologique pour endiguer la montée en puissance des restrictions de circulation dans les ZFE. Quand on sait que l’instauration des ZFE a conduit les acheteurs à adopter une attitude attentiste tout en accélérant le renouvellement vers des voitures récentes de type Crit’Air 1, c’est-à-dire les voitures les plus chères, on comprend qu’une grande partie des automobilistes se sent pénalisée et sans autres alternatives à la voiture.

Les chiffres du véhicule neuf

  1. Baromètre Marché Immatriculations - Juin 2023

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Baromètre Marché Immatriculations - Juin 2023
  1. LA REPRISE DU MARCHÉ DES VOITURES NEUVES À CONSOLIDER AU SECOND SEMESTRE


    Un premier semestre placé sous le signe du redressement

    Dans le secteur automobile, juin est traditionnellement le mois qui compte le plus grand nombre d’immatriculations, un mois à ne pas manquer, souvent marqué par des journées portes ouvertes et de nombreuses animations commerciales. Le mois de juin 2023 a tenu son rang et surtout poursuivi la tendance haussière du marché.

    Le marché des voitures neuves poursuit sa bonne dynamique avec une croissance de +12%, par rapport à juin 2022, à 190 847 immatriculations.

    Au 1er semestre, la croissance du marché atteint 15% par rapport à 2022, à 889 776 unités. Le meilleur semestre depuis 2021. Le poids des pénuries qui grippait les outils de production des constructeurs est moins lourd et certains professionnels parlent d’un effet mécanique de rattrapage. Notons que la tension qui pèse sur le transport des véhicules est encore très prégnante et pénalise fortement certains constructeurs. En clair, on manque toujours de camions et de chauffeurs.

    Par rapport au niveau de marché « pré covid » de 2019, ce premier semestre 2023 est encore à -24%.

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Voitures neuves du mois de juin 2023

  1. Une dynamique à consolider au second semestre malgré des commandes en berne

    La question maintenant est de savoir si cette bonne dynamique va se poursuivre sur le second semestre. Pour mémoire, en 2022, c'est à partir du second semestre que le marché des voitures neuves avait retrouvé son dynamisme (vs 2021) à la faveur du retour des stocks en concession.
    Il faudra attendre le mois prochain pour confirmer ou non la reprise du marché en 2023.

    Le doute plane en raison d’un encours des commandes en attente de livraison qui commence à se réduire. Les nouvelles commandes (donc les immatriculations futures) restent mal orientées à -16% en VPN depuis le début de l’année. Certains augurent déjà de belles promotions en fin d’année pour regonfler les carnets de commandes. À suivre.

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Voitures neuves 2023 VS 2022 et 2021
  1. L’ÉLECTRIFICATION DU MARCHÉ SUIT SON COURS EN VUE DE 2035


    L’objectif du 100% électrique en 2035 est-il soutenable ?

    Les véhicules électrifiés (électriques plus hybridés) sont maintenant ancrés au-dessus de 50% du marché des véhicules neufs en France. Les véhicules 100% électriques à batteries (BEV) affichent la plus forte progression (+52%), portés par une offre qui s’étoffe et qui est privilégiée par les constructeurs, notamment au regard des normes CAFE (Corporate Average Fuel Economy qui a imposé aux constructeurs un seuil d'émission de CO2 moyen à ne pas dépasser : 95g/km sur 95 % de leur flotte en 2020 et sur 100 % à partir de 2021).

    Les hybrides (HEV et MHEV) continuent de progresser avec 34% du marché. Les hybrides rechargeables (PHEV) sont plus résilients que ce que certains experts annonçaient avec 9% du marché.
    Pour la première fois au mois de juin, le diesel passe sous la barre des 10% du marché. Le seul « mix » en croissance en juin sont les véhicules essence, électrifiés et les véhicules E85.

    L’objectif « 0 émission » en 2035 impose un rythme de croissance du véhicule électrique plus élevé que celui constaté dans la phase actuelle de la mutation du marché. Pour atteindre un 100% électrique en 2035, un rythme de 20% de croissance par an en moyenne est nécessaire. Tout retard pris dans la phase d’adoption du véhicule électrique des 4 prochaines années, à un rythme annuel supérieur à 40% de croissance, met en risque l’atteinte de l’objectif en 2035.

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Immatriculations des voitures particulières neuves en France
Janvier à Juin 2023 (en volume)

  1. Par ailleurs, il faut garder la juste mesure de l’importance de l’arrivée des marques chinoises en France.

    Le renfort des nouveaux entrants

    Au premier chef, il convient de faire le nécessaire distinguo entre les marques chinoises qui s’implantent en Europe, dont la France, et les marques qui produisent en Chine et exportent ensuite en Europe. L’exemple le plus emblématique est naturellement la Spring de Dacia, même si on retrouve aussi des modèles premium dans ce cas de figure (chez BMW ou Volvo par exemple). En 2030, la Chine devrait représenter plus d’un million de véhicules importés en Europe, mais il n’y a pas forcément lieu de crier au loup si on tient compte que ces importations de Chine viendront, presque dans la même proportion, des constructeurs chinois et des marques européennes.

    Actuellement, l’examen des chiffres du marché révèle davantage un emballement autour d’une supposée invasion chinoise en France, comme en Europe.

    En effet, les véhicules fabriqués en Chine et vendus en France représente moins de 1% du marché en 2023. Le lancement réussi de MG est très largement commenté, à raison, mais il reste encore logiquement limité en volume (10 859 unités au S1 2023). En revanche, de nouvelles marques vont venir amplifier cette progression au premier rang desquelles on trouve BYD (93 unités), « the next big thing » aux dires de nombreux experts, ou encore Leapmotor (163 unités).

Les chiffres du véhicule d'occasion

  1. LA LEVÉE DE LA CONTRAINTE ZFE DEVRAIT RAPIDEMENT PROFITER AU MARCHÉ DES VOITURES D’OCCASION


    Le VO reprend des couleurs

    Le marché de l'occasion reprend des couleurs en juin avec +3% à 468 262 unités, grâce aux véhicules de plus de 5 ans et de plus de 10 ans. Le marché des véhicules d’occasion est à plus de 93% un marché de particuliers et montre avec la dynamique durable des véhicules les plus anciens que le facteur déterminant d’achat automobile pour les ménages français est en premier lieu le prix des véhicules.

    Longtemps habitué à la chasse aux records ces dernières années, le marché du VO confirme qu’il rentre dans le rang et déplore même un recul au premier semestre 2023 : -4% par rapport à la même période de l’an dernier, pour 2 611 360 unités.
    Pour expliquer ce phénomène, on peut avancer en terrain connu et rappeler que l’offre de véhicules d’occasion récents reste restreinte, conséquence directe des tensions vécues ces derniers mois sur le marché des véhicules neufs. En outre, les prix toujours élevés sur le marché du VO ne peuvent que freiner les achats, surtout avec le retour de l’inflation. La situation favorise donc l’activité sur les segments des VO anciens et le diesel, ce qui n’est pas nécessairement une bonne nouvelle par rapport aux enjeux environnementaux. Toutefois le mois de juin a stoppé l’hémorragie et peut laisser penser que le marché du VO va se restabiliser.

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Immatriculations des voitures particulières d'occasion en France
(Janvier à Juin 2023)

Les différents marchés du véhicule : panorama

  1. FORMIDABLE REPRISE SUR LES MARCHÉS DU NEUF ET DE L’OCCASION


    Tous les signaux sont au vert sur les marchés des véhicules neufs comme ceux d’occasion.

    Après une année 2022 en berne, les stocks sont de retour et la croissance est même à deux chiffres sur les marchés du neuf. Sur l’occasion, on observe une tension à la baisse sur les cotes des véhicules.

    Seule exception notable, le marché des cyclos décroche aussi bien pour les véhicules neufs que pour les deuxièmes mains. Il s’agit d’une tendance de fond. Il y a une véritable désaffection des acheteurs pour ces véhicules au profit d’autres véhicules notamment les voitures sans permis et les mobilités douces. La tendance est plus forte dans les grandes agglomérations (ZFE et stationnement payant). En revanche, elle est moins marquée dans les communes de moins de 200 000 habitants et les zones rurales.

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JUIN 2023 : Croissance à 2 chiffres sur les marchés des véhicules neufs hors cyclos
(en volume % en variation)
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JUIN 2023 : Rebond des marchés d'occasion hors cyclos
(en volume % en variation)

Focus

  1. L’INSTAURATION DES ZFE A-T-ELLE EXERCÉ UNE INFLUENCE SUR LES ACHATS AUTOMOBILES DES FRANÇAIS CONCERNÉS ?


    Assouplissement des ZFE entre la transition écologique et la justice sociale

    Si elles restent largement méconnues par les Français, plusieurs études le démontrent, les ZFE sont toujours un sujet de préoccupation, voire de crispation. Certains n’hésitent pas à parler de « bombe sociale » et à prédire un retour en masse des Gilets jaunes dès qu’il est question des ZFE. Cela n’a pas échappé au Président de la République française Emmanuel Macron et en mars 2023, le Sénat a lancé une mission d’information sur le sujet dont le rapport, de près de cent pages, a été présenté le mercredi 14 juin 2023 par Philippe Tabarot, sénateur Les Républicains des Alpes-Maritimes.

    Parmi les préconisations avancées par les sénateurs, l’assouplissement d’un calendrier de déploiement jugé trop rapide est à retenir, à savoir passer de 2025 à 2030.

    Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de France, a donc tenu à faire plusieurs mises au point :

    « L’Etat ne prévoit pas l’interdiction des véhicules Crit’Air 3 en 2025 dans les 43 agglomérations concernées par les ZFE. Cela ne s’impose qu’aux métropoles qui dépassent les seuils européens de qualité de l’air, c’est-à-dire à l’heure actuelle cinq métropoles, Paris, Lyon, Marseille, Rouen et Strasbourg, et uniquement pour les voitures (pas les utilitaires ou les poids lourds). L’Etat n’impose rien concernant les Crit’Air 2, ce terme n’apparaît même pas dans la loi Climat et résilience. Le chiffre de 13 millions d’automobilistes concernés par les obligations imposées par l’État est donc parfaitement fantaisiste » a asséné le ministre, en soulignant par ailleurs que « le calendrier de l’Etat était le bon, mais qu’il faut bien sûr adapter la mise en œuvre des ZFE aux réalités des territoires ».

    Quels ont été les impacts des ZFE sur la structure des achats de voitures par région ?

    Concrètement, nos data-scientists ont voulu savoir si le déploiement des ZFE avait eu un impact sur les achats de véhicules neufs et de véhicules d’occasion des Français concernés par ces zones entre 2020 et début 2023.

    Comme premier enseignement, on peut retenir que dans les zones ZFE, les acheteurs ont adopté une attitude attentiste. La hausse des immatriculations observée en 2021 vs 2020 y est moins forte que les zones non ZFE, respectivement +4% vs +6%. En corolaire, la baisse de 2022 vs 2021 est plus forte dans les zones ZFE, respectivement -14% vs -11%. Cependant en termes de répartition des achats, on observe une accélération du renouvellement vers des voitures récentes de type Crit’Air 1 (date de 1ère immatriculation à partir de 2011, hors diesel). Enfin, la ZFE n’a pas d’effet accélérateur sur l’achat de voitures électriques comparativement aux zones non ZFE.

    Forts impacts des ZFE à Saint Etienne et Rouen, ailleurs résultats marginaux

    Dans le Grand Paris, l’effet ZFE est somme toute peu marqué en électrique mais montre un renouvellement plus rapide des voitures plus récentes. Dans les départements concernés comme dans les communes directement concernées, les achats de véhicules électriques sont passés de 2 à 5% entre 2020 et les cinq premiers mois de 2023 (4% en 2022). Sur la période, les achats de VN et de VO Crit’Air 1 sont passés de 41% à 53%, en avance par rapport aux zones non ZFE (39% à 50%). Cette progression des vignettes Crit’Air 1 se fait surtout au détriment de Crit’Air 2 (volume qui passe de 32% à 23% sur la période). Si on s’attache aux cinq premiers mois de 2023, Crit’Air 0 et 1 représentent 57 % des achats et Crit’Air 2 pèse 23% du volume.

    Seulement 1 voiture sur 5 seraient donc les véhicules interdits de circuler dans la ZFE ou susceptibles d’y être verbalisés.
    Cette situation se retrouve dans la plupart des cas de ZFE en France, à savoir à Nice, Aix-Marseille (où la part des Crit’Air 0 et 1 passe même sous la barre de 50% des achats), Reims, Strasbourg, Lyon, Toulouse, Montpellier ou Grenoble (où le véhicule électrique ressort à seulement 3% des achats VN et VO dans les communes concernées par la ZFE). À chaque fois, on note un petit mouvement en faveur des véhicules de Crit’Air 1 depuis 2020, mais les ordres de grandeur et les grands équilibres ne sont pas bouleversés.

    Saint-Etienne et Rouen, deux exceptions notables.

    À Saint-Etienne, les achats dans les communes concernées par la ZFE se concentrent sur les véhicules électriques (7%) et les modèles Crit’Air 1 (73%). Dans les zones hors ZFE, le Crit’Air 1 ne ressort qu’à 33% des achats et on peut donc parler d’un véritable effet ZFE sur la consommation automobile. Depuis les annonces du ministre de la transition énergétique le 10 juillet 2023, Saint-Etienne et une trentaine d’autres métropoles « n’ont plus aucune obligation de renforcer leurs restrictions actuelles ».
    Même constat à Rouen, où Crit’Air 1 représente 73% des achats dans les communes concernées par la ZFE, alors que cette valeur est de 45% dans le département entier. Là encore, les arbitrages s’opèrent par rapport à Crit’Air 2, voire Crit’Air 3.

    En conclusion, l’instauration des zones ZFE a bien eu un impact sur la structure des achats automobiles en région. Dans les 11 métropoles, on constate surtout une accélération du renouvellement vers des voitures récentes de type Crit’Air 1, les plus chères. En revanche, on ne constate pas d’effet accélérateur sur les achats de voitures 100% électriques en comparaison des zones non ZFE.

    De fait, les ZFE ont un impact différencié selon la catégorie sociale des automobilistes. Les foyers modestes sont les plus concernés par les restrictions de circulation. Une grande majorité d’entre eux vivant en région, n’a pas d’autre alternative à la voiture. On comprend mieux l’importance de la prise en compte de critères de justice sociale pour rendre acceptable la transition écologique.

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Immatriculations VPO Semestre 1 2023
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Classement Certificat Qualité de l'Air (voitures particulières)
Norme Euro (inscrite sur la carte grise) ou, à défaut, date de 1ère immatriculation

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